Le problème kurde - III

Soumis par Hayan Sidaoui le lun 29/01/2018 - 18:17

Rubrique

Le problème kurde - troisième et dernière partie.

6- Les kurdes et les enjeux de la guerre syrienne

Le démantèlement voulu de la Syrie et de l’Irak présentent plusieurs avantages majeurs pour l’alliance israélo-otanusienne et serait dans la continuité du plan de Kessinger pour le Proche-Orient qui a commencé en 1975 avec la guerre civile au Liban en passant par la normalisation des relations entre Israël et les pétromonarchies arabes, un Sykes/Picot actualisé en quelque sorte.
En réalité, les différents enjeux des guerres occidentales successives dans le monde arabe se résument ainsi : comment maintenir la mainmise sur les matières premières (pétrole, gaz, gisements d’or et de diamants non encore exploités dans la péninsule arabique jusqu’au Yémen) et la sauvegarde coûte que coûte de l’état d’Israël meilleur gardien de ces richesses et dont le rempart serait composé par les monarchies du Golfe et les petits états confessionnels ou ethniques dont l’existence affaiblirait le panarabisme arabe toujours vivace au Levant (chrétiens au Liban, Kurdes au nord de l’Irak et de la Syrie, un Califat salafiste sunnite au centre et au sud de ces deux mêmes pays, génocide des chiites en Irak et dans le Golfe pour affaiblir l’Iran, etc.)

6-1- Le califat de DAESH et les kurdes

On ne parle plus de Kobané, une petite ville kurde enclavée et isolée à la frontière nord-ouest entre la Syrie et la Turquie et qui a vu des combats extrêmement violents en 2014 entre kurdes du PKK et DAESH le tout sous le regard complice d’Erdogan qui non seulement a omis d’intervenir mais a même facilité la tâche aux terroristes qui, sans le courage des combattants kurdes, ces mêmes terroristes auraient gagné cette bataille ce qui aurait donné satisfaction au nouveau sultan ottoman et cela pour une raison simple : il s’agit du PKK, ennemi juré de la Turquie, qui revendique une autonomie sur un territoire exclusivement turc et non pas du PDK qui, quant à lui, ne revendique qu’en Irak et en Syrie un état indépendant.

Cette différence de revendication, entre le PKK et le PDK et le deux poids deux mesures d’Erdogan et ce, avec la bénédiction israélo-otanusienne, est le nœud de la problématique kurde au Levant.
Si on rajoute à cela, l’attitude ambiguë du PDK vis à vis de DAESH au nord de la Syrie, tantôt alliés tantôt ennemis, le projet de l’OTAN et le rôle attribué aux kurdes indépendantistes devient limpide.

6-2- L’Israël du Nord

Les kurdes ont-ils aussi à leur tour une « terre promise » au proche-Orient?

À l’instar des juifs qui ne sont ni un peuple ni une nation mais une religion, ils sont en réalité une multitude de groupes d’origines ethniques différentes et issues de sociétés très diverses : il y a les slaves de Russie et de l’Europe de l’est, les aryens d’Europe centrale et de l’ouest, les pieds noirs d’Afrique du Nord, les noirs d’Éthiopie ainsi que les sémites du croissant fertile et du Yémen.
Il en est de même pour les kurdes, issus d’ethnies et de pays différents, qui n’ont jamais constitué une entité homogène sur un territoire géographique déterminé, bien au contraire, ils ont toujours été déplacés en fonction des conquêtes ou des défaites des armées de tel ou tel empire dans lesquelles ils ont été enrôlés tout au long de leur existence.
Le parallélisme entre le problème israélien et le problème kurde a son importance puisqu’il existe comme tel dans les esprits des arabes.

De toute évidence la tournure des événements sur un plan purement militaire en Syrie depuis l’intervention russe en septembre 2015en appui au gouvernement syrien a incité l’alliance israélo-otanusienne à sortir son joker en Syrie : le PDK.

Avant d’aller plus loin, il serait opportun de rappeler justement quelles ont été les missions attribuées par l’alliance israélo-otanusiennes à DAESH au Levant :

2a- En premier lieu, semer le trouble pour affaiblir les régimes légaux en place, notamment le pouvoir syrien qui, de tout temps, forme le noyau de la résistance au sionisme et à Israël. N’oublions pas aussi que la Syrie est l’alliée stratégique de l’Iran depuis la chute du Shah et de la Russie depuis les années soixante.

2b- En second lieu, instaurer la peur chez les populations locales les incitant à l’immigration vers l’Europe vidant ainsi ces mêmes pays de leur classe moyenne, épine dorsale de tout état ou nation, et de ce fait les pays européens récupérent par la même occasion une main d’œuvre et des cadres bon marché.

2c- En troisième lieu, affaiblir le Hezbollah principal obstacle au projet de l’OTAN et principal danger pour Israël depuis les années 1990.

2d- finalement, Installer des petits états vassaux de l’Occident selon le principe diviser pour mieux régner comme c’est déjà le cas des monarchies arabes du Moyen Âge, appauvrir des populations dont l’existence serait limitée à chercher du pain plutôt que la liberté ou la souveraineté.

Puis, une fois ce plan réalisé il ne resterait plus qu’à éliminer physiquement DAESH sous la bannière de la lutte contre le terrorisme mondial.

C’est alors, qu’une fois ces objectifs atteints, l’oncle Sam sortirait de son chapeau le nouveau contour du fameux « Kurdistan » dont historiens et géographes peinent tant à le déterminer depuis plus de trois millénaires, un second Israël en quelque sorte.

Un état tampon, entre la Turquie et le monde arabe, situé tout au long de la frontière turque au nord de l’Irak et de la Syrie qui plus est, contiendrait la majeure partie des gisements du pétrole et du gaz des deux pays. Mieux encore, ce service rendu à Erdogan, en le débarrassant du projet de territoire kurde autonome ou indépendant dans le quart sud-est de l’actuelle Turquie, consolidera son rôle au sein de l’OTAN en devenant ainsi un barrage contre toute expansion russe au Sud de la mer Noire et au Proche-Orient. Enfin, ce dispositif projeté par l’OTAN et Israël mettra à l’abri l’état sioniste, coupera les vivres à toute future résistance ou révolution contre cet état de fait et, enterrera pour toujours le panarabisme laïc et multi-culturel, principal obstacle au morcellement ethnique et confessionnel de cette partie du monde depuis les accords de Sykes/Picot.
À titre d’exemple, peut-on accorder aux immigrés maghrébins de seconde génération en Espagne ou en France une autonomie admininstrative sur le sol de espagnol ou le sol français ?

6-3- Victimisation des kurdes

La réussite militaire de l’AAS et du Hezbollah soutenus par l’Iran et la Russie ont mis à mal le projet de l’OTAN. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu en Syrie de confrontation directe entre l’AAS et le Hezbollah d’un côté et les kurdes indépendantistes d’un autre côté puisque DAESH fait office de tampon entre les deux, du moins pour l’instant. Pas de confrontation directe non plus en Irak où la libération récente de Mossoul par les irakiens s’est faite sans heurts alors que le PDK réclamait la ville comme partie intégrante de « son Kurdistan » et ce, malgré les efforts des américains pour arriver dans la ville avant les irakiens. Cette bataille gagnée par les irakiens est un tournant car non seulement l’instrument de l’OTAN, en l’occurrence DAESH, est définitivement affaibli en Irak mais en plus met à mal le projet du « Grand Kurdistan » en territoire arabe.

La situation en Syrie ne se présente pas mieux pour le projet kurde, le loyalisme de l’YPG à l’intégrité territoriale de la Syrie, les victoires importantes et décisives de l’AAS et du Hezbollah depuis la libération d’Alep, qui était un point d’ancrage d’Erdogan en Syrie en plus de l’échec de son opération « bouclier de l’Euphrate » mise à mal par les kurdes du YPG, font éloigner le projet du « grand Kurdistan » désormais plus de 70% du territoire syrien est sous contrôle du gouvernement légal alors qu’il n’était que de 40% il y deux ans.

En réalité la situation des kurdes en Syrie est à terme plus compliquée qu’en Irak où ils ont déjà un territoire autonome alors qu’en Syrie ce n’est encore qu’un projet même s’ils contrôlent une partie du nord syrien. Il se trouve que l’opposition du YPG (PKK) est forte en Syrie alors qu’elle est inexistante en Irak et, si on ajoute à cela la puissance militaire grandissante des syriens et du Hezbollah combinée aux aides militaires directes des forces iraniennes et russes en plus de l’appui populaire très large dont jouit Assad, cela rend le projet du Grand Kurdistan quasi irréalisable. Pour mémoire, rappelons-nous de cette déclaration reprise à la fois par Poutine, Assad et Nasrallah : « l’intégrité de la totalité du territoire syrien tel qu’il est reconnu par l’ONU n’est et ne sera jamais l’objet d’aucune négociation ».

Cette forte opposition au projet de l’Occident du « Grand Kurdistan » précédé par le refus de la majorité des irakiens au territoire Kurde autonome au nord de leur pays, installé de force par Bush père et fils lors des deux guerres américaines en Irak, dont c’était le vrai objectif et non pas en finir avec la « dictature » de Saddam Hussein incite les américains à présenter, via le rouleau compresseur de leur propagande « médiatique », comme étant des victimes alors qu’en réalité ils revendiquent ce qui ne leur appartient pas et cela aux dépens des arabes.

La victimisation des envahisseurs a toujours été la clef de voûte de la politique israélo-occidentale dans le monde arabe, cela a été le cas avec la fondation de l’entité israélienne puis cela recommence avec les kurdes qui rappelons-le sont nos hôtes suite aux massacres qu’ils ont subi par les turcs il y a un siècle.

Ce ne sont pas les palestiniens qui sont victimes des pires atrocités depuis 1948, ce ne sont pas les égyptiens, les syriens, les libanais qui ont été victimes des guerres israéliennes en 1956, 1967, 1973, 1978, 1982, 1996 et 2006 mais les israéliens !
Ce ne sont pas les irakiens qui sont victimes depuis 1991 des complots des monarchies du Golfe et des invasions américaines mais les pauvres koweitiens dont le pays est à l’origine une concession du roi Fayçal d’Irak à la société pétrolière BP !
Ce ne sont pas les yéménites qui sont victimes depuis plus de trois ans d’un massacre froidement planifié et exécuté mais les pauvres saoudiens !
À Alep comme partout dans la Syrie ce n’est pas le peuple syrien qui est victime d’une sale guerre mais « les rebelles modérés » !
Ce n’est pas le peuple algérien qui a été victime pendant un siècle et demi d’une des colonisations les plus sauvages de l’histoire moderne mais les pieds noirs…
Quelle drôle de manière de falsifier l’Histoire

Il en est de même, pour les médias occidentaux, avec les kurdes comme étant les victimes des irakiens et des syriens qui les avaient pourtant accueillis lorsqu’ils fuyaient les turcs tout en prenant soin de ne pas les citer comme seuls et uniques bourreaux des kurdes.
Par quelle logique irakiens et syriens empêcheraient les kurdes d’acquérir leur indépendance sur leurs propres territoires dont les contours ont doucement glissé vers le sud de la Turquie depuis quelques décennies tout comme ont « glissé » les populations kurdes vers l’Irak et la Syrie tel que le démontre l’évolution démographique kurde présentée plus haut.

Conclusion

De toute évidence, à la vue de l’évolution militaire sur tous les fronts syriens, irakiens et libanais, le problème kurde restera un problème au Proche-Orient. Selon tous les observateurs sur place, la guerre en Syrie va déboucher sur un renforcement du pouvoir d’Assad et de la puissance du Hezbollah de même qu’elle va entériner la présence et l’influence russe dans la région appuyées par un Iran plus fort et plus stable politiquement que jamais.

Barazani et son PDK, à force de jouer la carte israélo-américaine en voulant trop prendre, il va finir par faire tout perdre aux kurdes et les rendre pour une fois réellement victimes mais de sa propre politique aventureuse. Son alliance avec l’OTAN et les israéliens ainsi que son alliance implicite avec Erdogan, au détriment des kurdes du PKK et du YPG de même qu’au détriment de beaucoup de kurdes loyalistes aux gouvernements syriens et irakiens ainsi que leur attachement à l’intégrité territoriale de leurs pays d’adoption, rendent l’avenir des kurdes incertain.
Tous ces paramètres mettent en péril l’autonomie même des kurdes au nord de l’Irak où déjà des voix irakiennes s’élèvent pour l’annuler.

Le véritable problème kurde, si problème il y a, se trouve sans le moindre doute en Turquie et non pas en Irak et surtout pas en Syrie.

Les deux premières parties du chapitre « le problème kurde »
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