Genèse d’une philosophie pour les nuls

Soumis par Hayan Sidaoui le jeu 17/04/2025 - 17:13

Rubrique


Le problème de la culture occidentale de manière générale quand il s’agit des autres cultures est qu’elle n’est qu’un cocktail d’amalgames mêlés à des clichés et à des idées préconçues reflétant la superficialité de leurs propres sociétés, ce qui ne les empêchent pas de mitrailler leurs avis, leurs points de vues, analyses et même parfois leurs solutions pour les problèmes des autres alors qu’ils ignorent presque tout de leurs sociétés et de leurs Histoires… une connaissance qu’ils prétendent avoir où dominent le fracas de la jactance et le silence du bon sens et de la rationalité où l’humilité brille par son absence !


 

Je propose donc la lecture de cet excellent article de mon compatriote Khalil Wayzani qui éclairera sans doute ceux qui en Occident s’intéressent réellement à nous et à nos problèmes récurrents, et qui éclairera aussi un bon nombre d’arabes dont l’ignorance joue des coudes à celle des occidentaux et où le sectarisme borné et le chauvinisme à l’orgueil mal placé tue tout discernement.


 

Cet article traîte du chiisme levantin qui, avant d’être, une confession, est une philosophie politico-révolutionnaire qui se distingue de « l’establishment » dynastique des différents Califats et royautés musulmanes sunnites qui se sont succédés dans le Monde Arabe depuis la bataille de Karbala (Sud de l’actuel Irak).


 

Avant l’excellent article de Khalil Wayzani je propose un petit préambule sur ce qu’est le chiisme pour une meilleure compréhension de l’article proposé.


 

Beaucoup ignorent que le chiisme , qui a vu le jour en l’actuel Irak, se proclame du sunnisme (tradition) avec qui il partage le même Livre et où le dogme proprement dit s’est légèrement dévié du dogme traditionnel que tardivement, la bataille de Karbala a eu lieu entre sunnites puisque le chiisme n’existait pas encore, cette bataille opposait en réalité deux visions sunnites de l’Islam, celui dynastique de ceux qui sont devenus les omeyyades qui ont instauré un Califat dynastique contraire aux préceptes du Prophète, une structure dynastique contestés par les descendants directs du Prophète dont le testament oral préconisait que le Califat doit revenir à celui qui est le plus apte à diriger la communauté, peu importe son appartenance sociale ou tribale, comme ce fut le cas des quatre premiers Califes dits majeurs, d’autant plus que les fondateurs de la dynastie omeyyades n’ont adopté l’Islam devenu endémique au Proche-Orient que très tardivement, après avoir combattu le Prophète dans un premier temps, dans l’unique souci de garder le pouvoir qui était le leur avant l’avènement du l’Islam !


 

Plus tard, entre le despotisme des uns et la frustration des autres, le fossé s’est élargi pour aboutir à la naissance du dogme chiite proprement dit dont les fondements sont l’éloquence et la sagesse d’Ali gendre du prophète, premier philosophe de l’Islam et le quatrième et dernier Calife majeur qui a été assassiné, et le martyr de 7 de ses fils, dont Hussein, lors de la fameuse bataille de Karbala (Hussein était le deuxième fils d’Ali, et donc petit fils du Prophète, Ali avait eu 14 fils et 17 filles en tout);  l’aîné Hassan qui fut cinquième Califat éphémère avant son abdication pour éviter la division a été aussi assassiné quelques années après la bataille de Karbala).


 

L’émergence du chiisme comme dogme a été graduel et ne s’est vraiment révélé comme tel que plusieurs décennies après Karbala. Quant aux perses ils sont passé du sunnisme au chiisme imposé par la dynastie Safavide huit siècles après Karbala, le choix des safavides était purement politique motivé par le souci de protéger les perses, ennemis séculaires des arabes, de l’influence culturelle du Califat arabe sunnite, alors qu’en Irak, en Syrie et au Liban les minorités chiites existaient déjà depuis 7 siècles, et peu le savent : le chiisme libanais se distingue du chiisme iranien sur un seul aspect, c’est l’unique communauté du Monde Arabe à défendre la laïcité comme mode de gouvernance, dont le but est d’instaurer une cohabitation tolérante et pacifique entre toutes les religions et aussi éviter la division qui n’est que l’arme première du sionisme et du colonialisme.


 

                                           Hayan Sidaoui


 


 


 

« Genèse d’une philosophie pour les nuls » de Khalil Wayzani :


 

Qu’on soit bien clairs dès le départ : je ne parle pas ici de religion au sens strict. Je parle d’une idéologie. Celle du chiisme comme levier de résistance à l’injustice, comme soif de liberté face à toutes les tyrannies. Une idéologie enracinée depuis Karbala, nourrie du sang d’Hussein et transmise par ceux qui ont refusé de se soumettre aux idoles du pouvoir.


 

Petit rappel historique pour ceux qui réécrivent l’histoire à leur convenance : le chiisme est présent au Liban depuis le VIIe siècle, avec l’arrivée des partisans d’Ali dans la région du Jabal Amel en provenance su Sud de l’actuel Irak... Tandis qu’en Iran, ce n’est qu’au XVIe siècle, sous les Safavides, que le chiisme a été imposé comme doctrine d’État... Cela pose déjà les bases de qui a influencé qui...


 

L’histoire n’est pas toujours écrite par les vainqueurs... Parfois, elle est portée par des exilés, des savants, des hommes debout dans la brume des montagnes, loin des palais... Avant que l’Iran ne se drape du turban de l’Imamat, c’est dans les collines du Jabal Amel que le chiisme s’est enraciné... Profond, discret, intransigeant... Le Sud-Liban, terre de silence et de savoir, portait déjà la doctrine des Douze Imam, dont le dernier serait le Messie attendu (Al-Mahdi), alors que l’Iran pré-safavides suivait encore les Hadith des prédicateurs sunnites radicaux tels Abu Hanifa ou Houreyra  (  oui oui, bien sûr... À cette époque, les arabes avaient déjà inventé le dictaphone.... pour rapporter autant de conneries rapportées au Hadith qui était censé rassembler l’ensemble des discours et prêches du Prophète )


 

Alors remettons les pendules à l’heure pour les imbéciles et les idiots utiles de l’ordre établi : le chiisme libanais ne vient pas de Téhéran, c’est Téhéran qui s’était abreuvé à notre source... Quand les Safavides ont imposé le chiisme en Iran au XVIe siècle, ils ont dû faire appel à nos savants du Jabal Amel... Pourquoi ? Parce que leur terre, aussi vaste soit-elle, ne comptait pas assez de chiites pour faire tenir debout une doctrine d’État... Le chiisme iranien est né d’un décret impérial, mais il n’avait ni âme, ni chair, ni colonne vertébrale...


 

Alors ils sont venus chercher nos hommes... nos érudits... les enfants de nos martyrs... Ils ont importé notre science, notre jurisprudence, notre fidélité à la mémoire des Imams descendants du Prophète ... C’est nous, Libanais, qui avons structuré leur pensée, encadré leur clergé, enseigné leur théologie... Leurs premières hawzas ( écoles de théologie) étaient animées par des Libanais... Leurs grandes figures spirituelles parlaient l’arabe du Jabal Amel... L’Iran avait le pouvoir... Nous avions le savoir...


 

Oui, l’Iran nous doit... Il nous doit ses fondations doctrinales et confessionnelles  ... Il nous doit l’idée même de résistance spirituelle et de la légitimité de l’enseignement théologique destiné à combattre l’injustice...


 

Mais nous lui devons aussi... Il a été l’écho de notre solitude... Il a brisé notre marginalité historique... Il a transformé notre isolement en force... Il a offert un toit à notre combat, une tribune à notre cri...


 

Et c’est ici que l’hypocrisie commence... Ces  Libanais minoritaires qui dénigrent et haïssent les chiites... à peine instruits, à peine ancrés dans leur propre histoire... qui n’existaient pas dans le combat, ni dans la douleur, ni sous l’ombre des bombardements... mais qui aujourd’hui osent insulter l’Iran...

Leur seule mémoire politique est celle des discussions de comptoir ... Leur courage se limite à insulter ceux qui les ont protégés, alors qu’eux ne protégeaient avec leur rhétorique bien rodée et vide de sens que leurs vies artificielles...


 

Ils nous parlent d’"occupation iranienne" alors que c’est la seule main qui ne les a jamais vendus... elle les a même défendu face au terrorisme… ils vomissent l’alliance avec Téhéran parce qu’elle dérange leurs mécènes occidentaux et leurs petites ambitions mercantiles... mais ils oublient que sans cette alliance, ils auraient été depuis longtemps avalés par le feu sioniste ou livrés en miettes au salafisme saoudien...


 

Cela dérange ? Tant mieux... cela choque les courtisans du Golfe ou les résidus d’empire à Paris ? Parfait... l’alliance entre le chiisme libanais et l’Iran n’est pas née d’un caprice géopolitique... elle est née d’une symbiose entre le sang et la science où se mêlent martyrs et manuscrits... elle est gravée dans l’histoire, non négociable, non soluble dans les injonctions des chancelleries...


 

Alors qu’ils continuent à vociférer ... qu’ils persistent à danser au rythme des télévisions sponsorisées par les pétrodollars... qu’ils lèchent les bottes de ceux qui ont rasé "leurs" villages pendant qu’eux se "terraient" dans les beaux cafés... mais qu’ils sachent une chose : nous n’oublierons pas...


 

Ce lien est éternel...

Nous avons été la source... Ils ont été le fleuve...

Aujourd’hui, nous sommes la digue... Ils sont l’orage...


 

Et tant que l’injustice règnera, notre pacte tiendra... Qu’ils hurlent, qu’ils complotent, qu’ils assassinent : on ne divise pas une filiation scellée par la foi, la douleur et la mémoire...


 

Et tant qu’un seul d’entre nous croira encore à la justice, cette alliance vivra...

Qu’ils s’étouffent avec leurs mensonges, qu’ils dégainent leurs éditos ou leurs fatwas de pacotille : le chiisme libanais n’a jamais été importé... Il a été exporté ... et il ne se reniera jamais...

Le Hezbillah n’a jamais placé les intérêts de l’Iran au-dessus de ceux du Liban… Et croyez-le ou non, l’Iran n’a nul besoin de nous : elle agit uniquement par devoir de justice et par fidélité à ses principes et par solidarité avec ses lointains parents…


 

Ps : Al-Shahid al-Awwal, ou le Premier Martyr, de son vrai nom Mohammad ibn Makki al-Ameli, est un grand juriste chiite né en 1334  au Sud-Liban. Brillant érudit, maîtrisant à la fois les jurisprudences chiite et sunnite. Accusé de propager le chiisme en secret à Damas, il fut condamné à mort, décapité en 1385, puis son corps fut crucifié et brûlé. À cette époque, l’Iran n’était pas encore chiite... Tandis qu’au Liban, nous subissions déjà l’oppression pour notre foi, mais nous avions cette soif intarissable du savoir et un amour profond pour la justice... Son martyr incarne à la fois la douleur et la dignité de ceux qui ont porté haut l’étendard de la vérité malgré les persécutions... et rappelle le rôle pionnier des savants libanais dans la diffusion du chiisme bien avant qu’il ne s’enracine ailleurs.


 

 

 

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