Le point du président, partie II

Soumis par Hayan Sidaoui le dim 10/11/2019 - 21:35

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Après avoir évoqué dans la première partie les scénarios hollywoodiens de Trump, la Turquie, les kurdes, Israël et l’état des lieux dans les zones libérées ainsi que ses alliés, le président de la république arabe syrienne Mr Bashar Al-Assad, évoque dans la seconde partie, non sans ironie voire avec un désintéressement total, la ligue arabe mais aussi, avec autant d’ironie, Pedersen et l’ONU, s’attardant plus longuement sur la situation économique de la Syrie et la lutte contre la corruption.

Suite de l’interview du président de la république arabe syrienne MR Bashar Al-Assad du jeudi 31 octobre. Première partie publiée le dimanche 3 novembre:

La ligue arabe

Question : « il n’y a jamais eu de la part de la ligue arabe la moindre condamnation de l’état d’Israël suite à ses agressions lors de ces dernières années alors qu’après la récente agression turque la ligue s’est réunie en urgence, leur communiqué final fut même bon et en faveur de la Syrie, mais nous n’avons entendu aucune réaction de la part du gouvernement syrien, pourquoi ? »

- «Rappellez-vous, quand la ligue arabe nous avait exclus nous n’avons pas réagi ni fait la moindre déclaration alors pourquoi nous le ferions nous aujourd’hui ? Nous n’avons même pas réagi à la proposition de notre retour au sein de ses institutions. Je crois que l’absence d’une réponse de ma part est claire et je suis sûr que les téléspectateurs en comprennent le sens. Leur proposition ne mérite pas plus que ce que vous avez évoqué dans votre question. »

L’ONU, Genève et Pedersen

Question : « Mr le président je voudrais maintenant évoquer des questions de politique intérieure, à propos de la Commission chargée de se pencher sur la Constitution. Que pensez-vous des critiques émises par l’opposition alors que cette Commission a été mise sur pied suite à leur propre demande ? »

- « Ceux qui ont demandé de former cette Commission étaient persuadés que nous allions refuser leur demande, peut-être ont-ils eu un choc quand nous l’avons acceptée. Ils ont formulé leur demande puis ont créé des obstacles eux-mêmes pour empêcher sa formation tout en accusant le gouvernement syrien de les créer lui même ce qui est entièrement faux. La question posée était de savoir quelles concessions allions nous faire, or il est hors de question pour nous de toucher aux fondamentaux de la nation tout en acceptant d’en faire sur ce qui est formel ou technique. Leurs virulentes critiques ne sont que le produit de leur surprise car ils pensaient que nous allions refuser tout dialogue »

Question : «  quelles sont les concessions que vous avez refuser de consentir ? »

- « La remise en cause de notre alliance avec la Russie et l’Iran par exemple, il faut savoir que dans leur esprit cette Commission ne devait servir que de rampe de lancement pour détruire les fondements de la nation syrienne et c’est justement ce que l’Occident désire depuis des décennies. Il est hors de question de céder sur tout ce qui touche à la structure et aux fondements de la nation. Certains parmi eux se sont qualifiés « d’opposition modérée», selon leurs propres termes, ce qui ne les pas empêché de proposer, pour la Commission, des noms de personnalités appartenant à la mouvance d’Al-Nosra ce que naturellement nous avons refusé. Ce ne sont que des marionnettes aux mains de l’Occident pour espérer parvenir à un morcellement de la Syrie sur une base confessionnelle et ethnique. Cette opposition n’est autre que le porte parole de l’Occident et de nos ennemis. »

Question : « Pedersen (émissaire de l’ONU en Syrie) a évoqué une série de réunions à Genève pour justement faire avancer les réformes constitutionnelles comme point de départ d’une solution pour arriver à mettre fin de manière définitive à la guerre en Syrie, des réformes qui selon lui devraient aboutir à des élections législatives et aussi présidentielles sous l’égide de l’ONU (résolution 2254) tout en accordant le droit de vote aux syriens qui se trouvent à l’étranger, est-ce que allez-vous accepter ces propositions ? Et pensez-vous que toutes ces questions sont vraiment les prérogatives naturelles d’une telle Commission ? »

- « Ceux qui prétendent que les travaux d’une telle commission aboutiront à une solution générale de la guerre en Syrie se trompent. Tout au plus ils y contribueront peut-être en solutionnant une partie du problème mais la déclaration de Pedersen n’évoque même pas le terrorisme et botte en touche la question de la présence des terroristes en Syrie, il veut nous faire croire qu’une telle Commission résoudra le problème tout en laissant les terroristes en Syrie ? Pour nous ces propos sont inadmissibles, pour nous la solution commence par l’éradication du terrorisme en Syrie et aussi par stopper toute ingérence étrangère occidentale en Syrie. Seuls les syriens, opposants compris, ont droit de cité dans le cadre de la dite Commission si toutefois leur patriotisme est réel. Quant à la résolution 2254, je voudrais rappeler que le texte de cette résolution commence par une phrase affirmant l’indépendance et l’intégrité de la Syrie or cette indépendance et cette intégrité appartiennent de manière exclusive aux syriens et à personne d’autre. Les élections dans leur ensemble auront lieu sous l’autorité de l’état syrien, par contre si l’ONU ou toute autre organisation ou personne souhaite assister aux élections nous n’y voyons aucun inconvénient mais l’organisation et le déroulement des élections incombent de manière exclusive aux autorités syriennes, la Commission constitutionnelle n’a rien à voir avec les élections car sa fonction est tout autre, à savoir les réformes constitutionnelles. S’ils croient (les occidentaux) qu’ils peuvent revenir à l’époque des mandats de tutelle ou à celle de la colonisation cela n’arrivera que dans leurs rêves. »

Question : « Toujours à propos des propositions de Pedersen, il a affirmé que l’acceptation par le gouvernement syrien de former une telle Commission représente en soi un accord implicite des deux côtés (c.à.d de vous même compris) de toutes ses propositions, certains se sont élevés contre une telle interprétation expliquant qu’une telle Commission n’est pas représentative de l’ensemble du peuple syrien d’autant plus qu’elle n’est pas une Commission élue par le peuple, quel est votre commentaire ? »

- « Tout d’abord définissons qui sont les deux protagonistes intervenant dans la Commission et quel est leur statut juridique. Tout le monde croit que le gouvernement syrien participe directement aux travaux de la commission ce qui est faux. À Genève il n’y aura (face à l’opposition et à l’ONU) que des personnes exprimant le point de vue du gouvernement syrien, ce qui signifie que le gouvernement syrien ne fera pas partie lui même de ces négociations, nous soutiendrons le point de vue des personnalités présentes à Genève face à l’opposition mais ils ne nous représentent pas, nous ne négocierons rien à Genève et d’un point de vue juridique le gouvernement est absent mais nous sommes attentifs aux travaux qui s’y dérouleront sans pour autant reconnaître aucun des membres participant aux travaux de Genève comme étant notre représentant. À partir de là, qu’insinuait Perdersen en parlant de notre « accord implicite »? Accord sur quoi ? Ce que le gouvernement syrien a accepté est clair, nous avons accepté de discuter avec l’opposition à Sochi dans le but d’échanger les points de vue dans un premier temps et dans le cadre exclusif des réunions de Sochi qui ont abouti à l’accord de former une Commission constitutionnelle, voila tout. De là à ce que Pedersen affirme que nous acceptons de manière implicite ses propositions postérieures à Sochi sans que nous ayons émis le moindre accord n’a aucun sens. À Genève il y a bien deux parties qui discutent, qui sont-ils ? le première exprime le point de vue de la majorité du peuple syrien et donc de son gouvernement et la deuxième, soyons clairs, est désignée par la Turquie (donc l’Occident). Nous avons déjà discuté à Sochi avec la Turquie de manière indirecte, via nos alliés Russie et Iran, alors que ceux de l’opposition présents à Genève ne représentent même pas eux-mêmes mais les pays occidentaux qui les ont imposés. Ils représentent la Turquie qui elle même représente l’Occident dans son ensemble. De manière concrète de quoi parlons-nous ? Ils me demandent d’accepter que les terroristes ou les traîtres deviennent du jour au lendemain des patriotes ? Ne nous mentons à nous mêmes avec un langage diplomatique poli, la réalité est simple, les travaux de Genève se limiteront à des négociations entre patriotes et traîtres à leur patrie, le langage diplomatique impose le qualificatif de négociations syro -syrienne ce qui est vrai car les traîtres ont toujours un passeport syrien et sont de nationalité syrienne mais nous savons qui ils représentent et quels intérêts ils défendent, ils sont de nationalité syrienne mais sans appartenance à la nation syrienne. »

Question : « L’existence de la Commission signifie-t-elle de facto que les travaux de Genève vont reprendre quatre ans après les premières réunions ? Et qu’en est-ils des travaux qui ont eu lien à Sochi et à Astana ?

- « Nous sommes revenus à Genève sur un plan purement géographique (rire). Nous ne faisons partie que des réunions de Sochi, tous travaux ou toutes réunions devraient découler uniquement de Sochi, tout accord doit avoir au préalable comme unique référence ce qui s’est passé à Sochi, pour nous Genève « n’existe pas », la participation de l’ONU aux réunions de Sochi lui accorde une légitimité inévitable (sur le plan international) mais cela ne veut pas dire pour autant que Genève peut parasiter Sochi, pour nous les réunions de Genève n’existent pas. »

Question : « Peut-on considérer que les déclarations de Pedersen court-circuitent les réunions de Genève avant même leur début et cherchent à influencer les travaux de la Commission constitutionnelle ? Quant à l’objectif de la commission elle même, s’agit-il de remplacer la Constitution par une autre ? Soit par un apport de changements fondamentaux ? Soit uniquement par de réformes ponctuelles ?

- « Il est clair que l’Occident essaye de donner une direction précise aux futurs travaux de la Commission, nous en sommes bien conscients. Nous ne laisserons pas faire et toute déclaration qui n’émane pas directement du sein même de la Commission n’a pour nous aucune valeur peu importe qui en est l’auteur, est pour nous un zéro au cube (expression locale qui signifie le néant), nous perdons pas notre temps avec des telles déclarations et ne lui accordons pas la moindre importance ! »

Question : « Et les travaux de la Commission, quelle sera leur nature ? Changer la constitution ou juste la modifier ? »

- « La formation de la Commission elle même, qui a pris beaucoup de temps, n’a buté que sur cette question et en était le principale sujet de discussion. Nous leur avons dit que cette question n’a pas de sens car changer un seul article de la Constitution cela signifie automatiquement une nouvelle Constitution, il n’y a pas de définition à proprement dit, les travaux se porteront sur chaque article un par un. Changer ou modifier relève de la théorie, c’est un élément de langage, ce qui nous intéresse c’est que les travaux de la Commission ne se préoccupent que de l’intérêt national, dès lors changer quelques articles ou la totalité des articles de la Constitution recevra notre accord si notre souveraineté est respectée, mais si on change un seul article, rien qu’un seul, qui nuirait à l’intérêt national nous y serons opposés sans hésiter. Alors arrêtons ces discussions stériles et mettons-nous d’abord d’accord sur la définition et le contenu de l’intérêt national. Ce que nous constatons pour l’instant est que tout ce qui tourne autour de cette commission n’a pour objectif que d’affaiblir l’État syrien en tant que tel et l’empêcher d’être dirigé de l’intérieur de la Syrie pour pouvoir en jouer de l’extérieur, cela est clair comme cela se passe chez certains de nos voisins sans les nommer (il s’agit clairement du Liban) mais cela ne se produira pas, ils essayeront mais en vain. Tout ce que je viens de vous dire n’est qu’un résumé de long mois de négociations à venir (sous entendu des mois de probablement perdus pour rien). »

La situation économique

Question : « Le peuple syrien a beaucoup souffert de toutes ces années de guerre avec les conséquences qu’on connaît, flambée des prix, diminution importante de la production, chômage sans précédent, pouvoir d’achat au plus bas pour les familles .... mais aujourd’hui que la situation militaire est nettement meilleure que par le passé et que l’État a récupéré la majeure partie du territoire, qu’en est-il des conditions de vies des familles syriennes, y a-t-il une amélioration sur le plan économique qui se profile à l’horizon où bien allons-nous vers un statu-quo ?

- « Si la situation militaire ou la fin du terrorisme suffisaient pour améliorer les conditions de vie des syriens on devrait alors attendre car les combats ne sont pas terminés, cette vision n’est pas rationnelle car comme vous savez, la situation militaire n’est pas la seule responsable de la situation économique même si elle contribue à sa dégradation, allons-nous donc attendre la fin de la guerre ? Bien sûr que non, la situation économique ne pourrait s’améliorer qu’avec l’action conjointe et de l’état et de la société, la libération de certaines régions (pétrolières) peut aider à améliorer la situation encore faut-il prendre le temps de les remettre dans le circuit économique, cela vaut pour les sites pétroliers mais aussi pour les régions à vocation touristique sans oublier, et c’est le plus important, les régions agricoles du nord qui se trouvent toujours en zones de guerre ce qui nous oblige à importer ce que nous produisions nous-mêmes avant la guerre. Puis l’importation elle même est compliquée car nous devons aussi contourner l’embargo imposé par l’Occident ce qui coûte toujours trop cher. Prenons aussi l’exemple d’Alep, la capitale industrielle de la Syrie, il ne suffit pas de libérer une ville pour que tout aille bien du jour au lendemain, il y a les séquelles de la guerre, des infrastructures à reconstruire etc... comme vous voyez chaque région possède ses spécificités économiques qui se complètent et forment l’économie syrienne dans son ensemble. Comme gouvernement nous faisons de notre mieux pour remettre en état l’infrastructure (Electricité, eau, .... ) dès qu’une ville ou une région est libérée, ce qui n’est pas toujours une entreprise aisée. Je ne suis pas pour les grandes industries, déjà avant la guerre le gouvernement ne voyait pas que ces grandes industries pouvaient être en elles-mêmes la solution pour une meilleure économie même s’ils représentent un plus. L’essentiel de l’économie syrienne fonctionne avec l’artisanat et les petites et moyennes industries qui sont plus appropriées à la réalité syrienne, dans l’immédiat nos efforts vont dans cette direction. Ce que je peux dire est que l’économie, malgré les difficultés, prend la bonne direction, beaucoup d’entreprises ont repris leurs activités, beaucoup de syriens qui avaient fuient la guerre sont revenus. Beaucoup disent que l’amélioration n’est pas tangible, évidemment qu’elle ne peut pas l’être tout de suite, cela passe par des phases. Outre la sécurité à retrouvre dans certaines regions et la remise en état de l’infrastructure un autre défit se présente à nous: comment intégrer à nouveau les revenants de l’étranger dans le circuit économique, nous devons les aider dans ce sens, on ne peut se cacher derrière les circonstances particulières dues à la guerre, c’est la société toute entière qui doit s’y mettre et avec dynamisme, l’État doit préparer les conditions nécessaires mais c’est à la société d’activer les circuits économiques car l’État ne peut lui même réouvrir les boutiques, réactiver les industries etc... »

Question : « Une question s’impose, beaucoup reprochent à certains ministères de ne pas travailler en toute transparence et en association avec la société civile, pourquoi existe-t’il encore une certaine légèreté de la part de certaines administrations dans ses rapports avec le citoyen et pourquoi manque-t-elle de vision stratégique ou prévisionnelle des actions à mener en réponse aux problèmes posés et à venir ? Certaines voix s’élèvent visant directement le gouvernement l’accusant de brader les sacrifices du peuple syrien, que répondez-vous ? »

- « Premièrement, je dois répondre comme responsable, ces critiques ne sont pas toutes objectives, il y a des ministères et des administrations qui travaillent d’arrache pied et en toute transparence pour aider le citoyen à retrouver une vie et une activité normales, mais il est vrai aussi que d’autres administrations souffrent de paresse ou d’incompétence qui ne remplissent pas leurs missions ni accomplissent leur devoir. Objectivement, on doit distinguer les bonnes administrations des mauvaises, tout discours les mettant tous dans le même panier est un discours absurde. Bien évidement que dans une conversation privée on peut toujours généraliser se plaignant du gouvernement dans son ensemble mais en tant que responsable je me dois d’être précis, méthodique et objectif. Oui il existe des administrations incompétentes mais il en existent d’autres qui frôlent l’excellence. Commençons par ce qui est positif, déjà comment trouver, en pleine guerre avec les conséquences que vous connaissez, l’argent pour payer les salaires de tous les fonctionnaires, comment remplacer les fonctionnaires techniciens (Electricité, eau, travaux publics...) tombés en martyrs ainsi que les professeurs des écoles et bien d’autres ... n’oublions pas les effets de l’embargo... malgré tout cela nous arrivons à maintenir les services de l’État, fournir le nécessaire en matières premières... il est parfaitement de la nature humaine de ne parler que de ce qui est négatif sans commenter ce qui est positif et nous le comprenons, on crie naturellement sa douleur, on ne hurle jamais d’être en bonne santé... je ne dirais pas tous les jours que la Syrie est en bonne santé, je me dois de faire la part des choses et peser ce qui va et ce qui ne va pas puis travailler pour guérir de ce qui ne va pas. Venons-en à tout ce qui est négatif. Comment distinguer, pour ce qui est négatif, les raisons dues de manière directe à la guerre et celle dues à l’incompétence des uns et des autres ? Certains citoyens oublient souvent la guerre et accusent le gouvernement alors que, d’un autre côté, il est vrai que certains fonctionnaires se cachent derrière le prétexte de la guerre pour camoufler leur responsabilité dans le mauvais fonctionnement de leurs administrations, le défi consiste à trouver l’objectivité d’un diagnostic entre ces deux extrêmes, un exemple: la pénurie pétrolière qui a eu lieu l’année dernière, elle était réellement une des conséquences directes de l’embargo. Notre mission consistait à importer le pétrole qui nous manquait sauf qu’à cause de l’embargo l’État ne pouvait pas importer en tant que tel, nous avions donc eu recours à des voies détournées que vous comprenez je ne peux évoquer ici, parfois cela est possible et d’autres fois ne l’est pas pour des raisons indépendantes de notre volonté. Il en est de même pour l’électricité, nos infrastructures sont des cibles prioritaires et quotidiennes des terroristes, les missiles visent toujours en premier les centrales électriques, peut-on accuser le ministère de tutelle d’être responsable de ces missiles ? Il faut être objectif par rapport à certains des problèmes que rencontre au quotidien le citoyen syrien. Quand nous avons repris les champs gaziers (province de Palmyre) , nous avons rapidement rétabli les besoins en électricité mais depuis les syriens de l’étranger sont revenus en nombre, ajoutez à cela la reprise de l’activité économique et les chantiers de reconstructions ... les besoins énergétiques se sont démultipliés en peu de temps ce qui fait que la production de ce que nous avons remis en activité des champs pétroliers et gaziers est devenue vite insuffisant. La vraie question est de savoir séparer ce qui est dû à la guerre et ce qui est de la responsabilité directe de l’administration. Concernant les manquements de certaines administrations, nous ne sommes pas indulgents avec ce phénomène qui a perduré dans certaines d’entre elles, dès qu’un cas d’incompétence ou de malveillance est repéré nous ne lui laissons aucune chance. En plus de l’incompétence il ne faut pas oublier la corruption qui existe aussi et que nous traitons avec la plus grande fermeté. Mais n’oublions pas que certains fonctionnaires souffrent réellement d’incompétence sans pour autant être corrompus, nous faisons de notre mieux pour trouver les cadres compétents pour les remplacer ce qui n’est pas toujours facile. »

Question : « À propos du dollar, on peut comprendre que la guerre cumulée à l’embargo suffisent à faire flamber les prix, mais l’augmentation surréaliste et très exagérée de ces derniers temps est difficile à comprendre et à accepter de la part du peuple syrien car cela dégrade leurs conditions de vie au quotidien, comment expliquez-vous ce phénomène ? »

- « La guerre et surtout l’embargo empêchent l’État d’exporter ce qui naturellement influence le taux de change qui à son tour influence les prix à la consommation, rajoutez à cela l’activité touristique presque nulle (apport de devises étrangères), puis la plupart des pays qui participent à l’embargo étaient des partenaires économiques avant la guerre. Il y a aussi les spéculations, certaines extérieures à la Syrie et d’autres sont l’œuvre de spéculateurs locaux. N’oublions pas certaines spéculations qui se font via les réseaux sociaux et qui échappent à notre contrôle, un exemple concret : des mal intentionnés ont annoncé sur les réseaux sociaux une importante dévaluation imminente de la livre syrienne, le lendemain des syriens par dizaines de milliers ont changé leur argent en dollar, les conséquences pour notre monnaie et donc pour notre économie sont désastreuses, avec ce que le citoyen gagne au change grâce au dollar il le paye avec la flambée des prix car lui même a acheté des dollars en masse, parfois même les prix montent bien plus que ce qu’ils ont gagné avec le dollar. La question est, est-ce que l’État peut intervenir ? Oui il peut mais dans ce cas là il devient un spéculateur lui même, aujourd’hui le blé comme les matières premières que nous importons sont beaucoup plus chers qu’avant alors que nous exportons très peu, quelle serait l’action la plus judicieuse, utiliser le peu de dollars que l’Éat possède pour reconstruire le pays où spéculer pour contrer les spéculateurs privés ? Nous continuons à exporter mais beaucoup moins d’avant et l’argent que nous gagnons nous devons donc le consacrer aux priorités sans vous rappeler que la priorité des priorités est toujours l’achat d’armes et de munitions car il ne faut pas oublier que nous sommes toujours en guerre. »

Question : « l’État syrien n’a vraiment aucun autre moyen pour réguler le taux de change avec le dollar ? »

- « Sans rentrer dans les détails techniques nous visons et nous usons de plus d’un moyen pour limiter les dégâts, d’ailleurs regardez chez nos voisins qui ne sont même pas en guerre, leurs monnaies ont été très dévaluées suite à des mouvements sociaux mineurs alors que notre monnaie nationale, dont beaucoup s’attendaient à ce qu’elle s’effondre totalement dès 2012, tient toujours bon et sa dévaluation depuis le début de la guerre a été limitée et parfois bridée sinon les prix à la consommation auraient été beaucoup plus élevés encore. Cela dit nous ne pouvons pas répondre à toutes les spéculations et à toutes les conséquences de la guerre et de l’embargo avec toujours une efficacité maximum mais nous arrivons à limiter les dégâts. Limiter les dégâts commence par atténuer le poids du dollar sur notre économie. Il a y aussi, à contrario, des paramètres circonstanciels, je prends pour exemple les régions récemment libérées, ces libérations ne vont va dans le sens de notre monnaie nationale, du moins dans l’immédiat, et cela pour une raison toute simple, quand ces régions étaient sous contrôlent des terroristes, l’Occident arrosait ces organisations de dollars et en masse et cela profitait à l’économie locale de ces régions, notre arrivée s’accompagne naturellement de la disparition de ces fonds. Je ne dis pas que les terroristes sont une solution économique mais le maintient de ces régions pendant des années sous contrôle terroristes et le fait qu’elles aient été sous perfusion artificielle du dollar représentent pour nous une difficulté supplémentaire sur le plan économique car notre monnaie n’est pas au mieux et cela nous demandera du temps pour y pallier. Ce que je veux dire est que tout ce que nous faisons de positif, telles que les libérations successives de ces derniers temps, ne produit pas forcément des effets positifs sur le plan général et à la seconde même, les choses sont bien plus compliquées et c’est avec le temps conjugué à nos efforts que nous parviendront à rétablir une situation saine. Les experts parlent de plan d’assèchement de toute la région en lui retirant tous les dollars qui y circulent, regardez ce qui s’est passé hier même en Turquie suite à une seule et simple décision du congrès américain, la livre turque a perdu de sa valeur ce qui représente bien plus que ce que notre livre a perdu ces derniers temps. Donc il y a des États dans la région qui sont totalement dépendants du dollar alors que c’est loin d’être notre cas, en réalité nous souffrons de la guerre que nous subissons et malgré cela notre monnaie résiste mieux que d’autres pays qui sont pourtant en période de paix. Les défis qui se présentent à nous sont nombreux et difficiles mais je le répète que ce que nous devons faire et que nous sommes entrain de faire est de remplacer le système spéculatif, conséquence de la guerre et de l’embargo, par un système de circuits économiques plus naturels et plus classiques ce qui créera d’autres moyens de lutte contre le dollar à la fois pour les autorités financières et pour la société elle-même, c’est cette lutte qui limitera l’influence nocive du dollar en limitant la pression sur la livre syrienne. »

Question : « Si j’ai bien compris, vous menez une politique économique dont les effets ne sont pas immédiats mais qui est la bonne pour remettre à terme notre économie sur les bons rails ? »

- « Ce que je veux dire est que les solutions existent, je ne dirai jamais que c’est impossible, les solutions sont présentes et disponibles comme le prouve ce que nous avons déjà réalisé. Je ne dis pas non plus que nous avons fait le maximum ou que nous avons atteint la limite des nos possibilités, nous sommes loin d’avoir accompli tout ce qui il y a à faire sur le plan économique, pour y arriver nous avons besoin d’établir un dialogue avec les partenaires sociaux et économiques. La question du dollar, des circuits économiques, de l’inflation des prix... sont des choses intimement liées entre elles et non pas indépendantes les unes des autres, encore une fois je dis que le point de départ est nécessairement la remise en état de l’infrastructure qui est de notre responsabilité et aussi encourager et faciliter toute activité économique individuelle ou collective, existante ou nouvelle, et aussi encourager les investissements malgré la pression terrible qui nous est imposée par des pays étrangers. »

Question : « À propos de la corruption, comment allez-vous la combattre ? On a récemment entendu parler d’une vague d’arrestations d’hommes d’affaires et de certains responsables, est-ce vrai ? Si oui, cela fait-il partie de votre plan pour combattre la corruption et est-ce que cette vague va encore toucher d’autres personnalités ? »

- « Oui et nom. Il faut préciser que ce n’est pas une vague, une vague signifie un temps déterminé qui commence à un instant T et qui se termine à un moment précis ce qui est entièrement faux. Cette lutte a commencé il y a déjà plus de trois ans et elle continuera tant que la corruption n’est pas éradiquée. Avant ces trois années où nous étions moins bien sur le plan militaire, nous nous efforcions d’amener le minimum nécessaire aux besoins de la population (étant pris par des batailles importantes), nos efforts sur le plan économique étaient continuellement sapés avec méthodologie par les terroristes et encore plus par les corrompus dans nos administrations. Ce n’est qu’après avoir repris nettement l’avantage sur le plan militaire que nous avons repris la lutte sur la corruption que nous avons, je vous le rappelle, commencé à combattre bien avant le début de la guerre mais dans des circonstances plus aisées avec des conditions en temps de paix naturellement différentes de celles d’aujourd’hui. Les conditions imposées par la guerre encourageaient certains corrompus, certaines retombées de nos exportations sont allées directement dans les poches des fonctionnaires corrompus. Rappelez-vous nous avons commencé à combattre la corruption en s’attaquant en premier à l’institution militaire où nous avons limogé ou arrêté plusieurs officiers corrompus dont des hauts gradés qui se trouvent aujourd’hui en prison, certains font l’objet de procédures judiciaires jusqu’à encore aujourd’hui. Il était naturel que nous nous attaquions en premier à nettoyer l’armée car nous sommes en guerre et que c’est la base de toute autre action ultérieure contre la corruption de manière générale. En temps de guerre l’institution militaire doit combattre l’ennemi et l’agresseur mais doit aussi combattre la corruption car justement elle a lieu en temps de guerre, aujourd’hui notre armée est propre et accompli au mieux sa double fonction. Il en était de même pour le ministère de l’intérieur et les forces de l’ordre mais aussi au sein du ministère des communications et de transport (vital pour les opérations et la logistique militaires). Mais encore une fois notre lutte contre la corruption n’est pas nouvelle, on en a parlé que récemment pour une raison simple, l’arrestation de personnalités connues du grand public a forcément été médiatisée. Tant qu’il y aura de la corruption il y aura une lutte pour la contenir peu importe les noms ou les personnalités concernées, en temps de guerre comme en temps de paix. »

Question : « Des rumeurs circulent comme quoi l’Etat devait à des grands hommes d’affaires syriens des dettes colossales d’où leurs arrestations pour que l’Etat puisse mettre la main sur leurs fortunes par vengeance, que répondez-vous à ces rumeurs, certains sont allés jusqu’à parler du scandale « Ritz-Charlton » syrien ? »

- « L’Occident qualifie toujours la Syrie de « régime » et non pas d’un État pour donner l’impression que nous sommes une bande de malfrats, une mafia. Nous sommes un État qui a sa Constitution, ses lois ... je rappelle que l’un des principaux articles de notre Constitution concerne la protection de la propriété privée. Il y a eu en effet de la part du gouvernement des saisies temporaires de certaines fortunes excessives d’hommes d’affaires soutenant les terroristes, pour participer à l’effort de la guerre mais cela ne veut pas dire pour autant que cet argent temporairement saisi est devenu notre propriété. D’ailleurs ces saisies font toujours suite à des décisions de la magistrature dans le respect des lois malgré le fait que combattre le terrorisme pourrait nous en dispenser, mais nous avons voulu que la nature de ces saisies soit claire pour le peuple syrien. Il en est de même pour les personnalités corrompues arrêtées, nous ne permettrons jamais de saisir leur argent pour en devenir nous mêmes propriétaires, les procédures suiveront leur cours normal dans nos tribunaux selon la Constitution et les lois en vigueur. Donc toutes ces saisies et l’ensemble de la lutte contre la corruption passent obligatoirement par des procédures judiciaires. Par contre il y a eu plusieurs réunions entre l’administration financière et beaucoup d’hommes d’affaires fortunés pour soutenir la monnaie nationale de leur plein gré. Un soutien qui consistait à injecter dans la banque centrale des monnaies étrangères fortes (comme le dollar ou l’euro) mais cela n’est pas gratuit car ils échangeait leurs devises contre des livres syriennes, ces opérations ont empêché un effondrement total de notre monnaie dans les moments les plus difficiles. Ces soutiens s’établissaient toujours suite à une concertation préalable avec les hommes d’affaires concernés et comme vous le savez cela a porté ses fruits de manière très positive. Pour revenir à la corruption, des corrompus il y en a aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, d’ailleurs cela va toujours de pair, ce que nous avons demandé est que l’argent dérobé à l’État soit rendu avant même d’entamer des procédures qui sont forcément longues et c’est parfaitement le droit de l’État que de procéder de la sorte. »

Question : « Certains disent que les arrestations ne concernent que des personnalités du secteur privé alors que les corrompus du secteur public sont épargnés. »

- « Je viens de dire qu’avant de s’occuper du secteur privé nous avons commencé par l’armée, le ministère de l’intérieur et le ministère des communications et des transports et nous continuons notre lutte contre la corruption dans les deux secteurs privés et publics, d’ailleurs l’un ne va pas sans l’autre car la corruption se fait toujours en association entre les deux ... »

Questions : « On parle d’un projet gouvernemental pour la transparence au sein du service public »

- « Nous commençons à peine d’évoquer cette question au sein du gouvernement, en réalité ce projet date d’un an avant le début de la guerre, il s’agissait à l’époque d’un décret et non pas d’une loi : chaque personne qui entre dans le secteur public doit déclarer ce qu’elle possède au préalable. Nous voulons que ce décret devienne une loi et cette initiative participe de la lutte contre la corruption. C’est une loi essentielle car elle nous permettra de demander à n’importe quel fonctionnaire à n’importe quel moment, un an ou vingt ans plus tard, de justifier d’où vient son argent, ses propriétés etc...? »

Question : « Comment allez-vous procéder de manière concrète ? »

- « Les mises en examen et les arrestations représentent une partie de la lutte contre la corruption et la loi sur la transparence dans la fonction publique en représente une autre. Il faut aller au fond du problème. A titre d’exemple, on discute de la corruption sur les réseaux sociaux sous toutes ses facettes mais jamais on évoque qu’elle est la raison d’être de cette corruption ? L’origine même de la corruption réside dans nos propres lois souvent mal adaptées et contenant des brèches dans lesquelles s’engouffrent certains corrompus pour s’innocenter malgré la conviction de l’appareil judiciaire qu’ils sont fautifs. Certains cas de jurisprudence très courants, car le code des lois est incomplet, sont de très mauvais exemples. Mes propositions à ce sujet consistent d’abord à revoir les code des lois et aussi abolir ou limiter au maximum « l’exception » trop présente dans les jugements par faute de lois plus précises. Nous avons commencé par abolir « l’exception juridique » pour le poste de président puis à tous les échelons de l’État. Nos juridictions souffrent énormément de la multitude d’exceptions que permet la constitution jusqu’à ce qu’elles deviennent presque des lois, je compare notre système juridique actuel à un énorme réservoir d’eau avec des trous, nous devons colmater ces trous et cela en passant en revue toutes les failles de notre code des lois, ce que nous avons déjà commencé à faire. »

Question : « Donc vous luttez en priorité contre l’environnement propice à la corruption avant même de lutter contre les corrompus eux-mêmes, et c’est ma dernière question en vous remerciant de votre accueil ce soir, pensez-vous que nous autres les médias pouvons avoir un rôle à jouer pour participer à cette lutte contre la corruption ? »

- « Bien évidemment que vous avez un rôle important à jouer, d’ailleurs le dernier conseil des ministres était consacré à cette question. Dès que les médias évoquent la corruption ils ne manqueront pas de se faire des ennemis aussi bien dans le secteur privé que le secteur public et pour diverses raisons. Il est malheureusement de nos habitudes de ne pas accepter la critique, même la critique de manière générale nous la transformons en cas personnalisé. Dès que les médias révèlent un fait ou un nom ils sont férocement combattus ce qui vous empêche de mener à bien votre mission d’informer. Le rôle que nous avons évoqué au conseil des ministres est tout d’abord, sachant que l’information et les médias sont le principal outil pour combattre la corruption, un rôle d’information en aidant à mettre la corruption sous la lumière du jour car les cas de corruption sont tellement divers et variés qu’il est impossible à n’importe quel gouvernement de découvrir à lui seul tous les cas et toutes les formes de la corruption. Ensuite quand la lutte contre la corruption nécessite des reformes en profondeur les médias deviennent nécessairement un lieu de débat et les journalistes doivent mener ces débats pour rendre lisible, visible et intelligible à chaque syrien la nature du problème et qu’elle est la nature des solutions envisagées. Une loi a deux facettes : « sa rédaction ou son texte proprement dit mais aussi il y a sa compréhension et la vision de son auteur (je crois qu’il fait nettement allusion à l’esprit des lois de Montesquieu) et c’est à vous les médias de la rendre intelligible dans son ensemble, le citoyen ne voit qu’une partie de la loi et c’est à vous de lui permettre de la voir dans son ensemble (par contre je ne crois pas qu’il fait allusion ici aux médias français comme exemple à suivre). Une dernière chose que vous pouvez accomplir, nous constatons sur les réseaux sociaux une multitude de débats sur ce sujet et d’autres aussi mais dans un désordre cacophonique et c’est là que les médias patriotes peuvent intervenir en sortant ces débats des artifices, des approches superficielles, des cas personnels, des petites vengeances ou petits intéressements etc... empêchant ainsi aux étrangers malveillants de se jouer de nous car dépourvus de vision globale de l’intérêt national. Je crois que les médias peuvent être les régulateurs de ce débat en posant un cadre et une méthodologie nécessaires au bon déroulement des échanges le rendant plus mature et plus productif. Je compte sur vous même si le début est difficile comme l’ont montré vos récentes émissions, mais je suis certain qu’à l’avenir vous pourrez hausser le niveau du débat sur la lutte contre la corruption. J’apporte personnellement mon soutien aux médias publics dans cette tâche qui me paraît essentielle. »

La journaliste : « merci Mr le président pour votre confiance et la responsabilité que vous nous accordez. »

- « Merci à vous, j’ai été heureux de cette rencontre avec vous qui représentez deux chaînes patriotes qui soutiennent le gouvernement dans sa lutte contre la corruption et le terrorisme et tout autre défi qui se présente à nous, comme vous comptez sur nous, nous comptons sur vous et c’est le rôle que vous devez continuer de jouer car je n’oublie pas qu’avec vos propres moyens vous avez aussi été du combat que nous menons. »

Fin de l’interview

Lien de la première partie de l’interview publiée le dimanche 3 Novembre
http://www.hayansidaoui.net/le-point-du-pr%C3%A9sident-I#show-block-nav…

Lien de la vidéo de l’ensemble de l’interview
https://www.facebook.com/SyrianPresidency/videos/725967791215947/

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