le problème kurde - II

Soumis par Hayan Sidaoui le dim 28/01/2018 - 17:59

Rubrique

Le problème kurde - (deuxième partie)

4- Les Kurdes au vingtième siècle

Beaucoup de kurdes ont donc fuit la Turquie vers les pays voisins et le Liban et, beaucoup d’autres se sont exilés en Égypte et en Europe.
Fait remarquable : ces nouvelles communautés constituées au Proche Orient se sont intégrées de manière pacifique et sont devenues des citoyens à part entière dans leurs pays d’accueil jusqu’à en avoir des députés et des ministres comme notamment au Liban et en Syrie.
Seule la revendication d’un territoire indépendant exclusivement en Turquie a subsisté chez une partie d’entre eux. Cette partie indépendantiste était elle-même divisée en deux pôles historiques et antagonistes, un antagonisme qui a abouti à une guerre civile kurde qui a perduré pendant des décennies et qui sema le trouble au nord de l’Irak.

4-1- Le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan)

Fondé en 1978 et en état de guerre permanent avec la Turquie depuis 1984.
Fondé par plusieurs intellectuels kurdes, dont leur chef Abdullah Öcalan détenu dans une prison turque jusqu’aujourd’hui, est un parti marxiste-léniniste qui revendiqua dans un premier temps un état kurde indépendant au sud-est de la Turquie puis se contentant de revendiquer une autonomie administrative sur le même territoire dans un état fédéral turc sans aucune visée territoriale ni en Irak ni en Syrie. Ce parti est considéré par les USA et ses alliés comme une organisation terroriste.
La lutte armée du PKK contre les turcs s’intensifia en 1991 avec la première guerre du Golfe suite au refus de la Turquie de reconnaître leur identité culturelle et de leur accorder une autonomie administrative.
Le PKK est considéré comme un parti kurde pro-arabe et anti-israélien.

4-2- Le PDK (Parti démocratique kurde)

Fondé en 1946 par Mustafa Barazani et demeura le seul parti politique kurde jusqu’à la fondation du PKK en 1978.
Barazani et ses hommes, surnommés les peshmerga (ceux qui font face à la mort), ont entamé une guérilla contre le gouvernement irakien dès 1970 réclamant, fait surprenant, une autonomie au nord de l’Irak et non pas en Turquie ! Parallèlement, il fut englué dans une guerre civile avec le PKK et le UPK constitué de dissidents du PDK.

Le PDK au rôle trouble profita de la guerre Iran-Irak et surtout des deux guerre du Golfe pour obtenir une autonomie sur un petit territoire au nord de l’Irak, autonomie élargie et consolidée après la seconde guerre du Golfe et la chute du régime de Saddam Hussein.

Le PDK se distingue des autres partis kurdes en semblant oublier ce que les kurdes ont toujours appelé le « Kurdistan historique » le sud-est de la Turquie et qui semble désormais se contenter du nord de l’Irak où sont concentrées les réserves pétrolières et cela sous la bénédiction et la protection des USA et d’Israel.
Le même PDK cherche, avec les mêmes appuis américains et israéliens, à étendre son autonomie vers le nord de la Syrie, j’y reviendrai plus loin.

4-3- Le YPG (unités de protection du peuple)

Fondé en 2011, au début de la guerre en Syrie, il constitue la branche armée du PYD (le PKK syrien) et demeure opposé au PDK de Barazani qui est résolument indépendantiste et opposé au gouvernement d’Assad. Il est le plus puissant parti kurde en Syrie alors que le PDK l’est en Irak.
Le YPG devenu au fil de la guerre en Syrie une milice assez puissante (40 à 50 000 combattants dont plus de 15 000 femmes, les YPJ) joue un rôle déterminant dans cette guerre notamment au nord où il a devancé les américains et les autres kurdes pour prendre le contrôle de larges surfaces au nord de la Syrie dont des villes assez importantes et après avoir longtemps hésité, il a récemment basculé dans le camp du gouvernement légal d’Assad. Fin juillet 2017 le YPG déclare avoir un QG opérationnel commun avec l’AAS (l’armée arabe syrienne).
Le YPG n’a aucune revendication d’indépendance ou d’autonomie ni en Syrie ni en Irak.
À noter que le YPG ne se bat pas seul exclusivement sous bannière kurde mais dans le cadre des « forces
démocratiques syriennes » (et non pas kurdes, détail important) qui en plus des combattants kurde du YPG comptent dans ses rangs bon nombre de syriens qui dans un premier temps semblaient être à la fois anti-DAESH et anti-Assad avant de reconsidérer leur position et de suivre le YPG dans son rapprochement du pouvoir légal de Damas.

5- Les kurdes et le projet de l’OTAN pour le Proche-Orient

5-1- Les kurdes population hétérogène

Comme je l’avais précisé plus haut les kurdes ne forment pas une entité homogène ni dans le temps, ni dans l’espace ni dans leurs revendications. Il en est de même quant à leur composition religieuse : 70% de sunnites, 20 % de chiites et 10% de yézidis assimilés chrétiens (estimation). Toutefois les sunnites tiennent un rôle prépondérant sur le plan politique, car excepté le YPG syrien le PDK et le PKK, ils sont presque tous exclusivement sunnites croyants pour les premiers et laïcs de toutes confessions et athées pour les seconds qui se proclament du marxisme (ont récemment abandonné le léninisme).

De manière synthétique et rapide on peut qualifier le PDK comme indépendantiste faisant le jeu aussi bien des américains en réclamant un état kurde au nord de la Syrie et de l’Irak que celui de l’OTAN et, avec la bénédiction de la Turquie d’Erdogan, et tous les autres partis sont plus enclins à rester dans le giron légal des deux états irakien et syrien même si certains demandent une certaine autonomie assez limitée mais en Turquie et nulle part ailleurs, pour ces raisons le YPG paraît comme étant un potentiel obstacle au plan de l’OTAN au Levant.

Un Kurdistan indépendant au nord de l’Irak et de la Syrie n’a aucun fondement historique et encore moins légal mais serait l’achèvement tardif des accords de Sykes/Picot dont le morcellement aussi tardif pérenniserait la main mise de l’Occident sur les richesses du Proche-Orient, sauverait la monarchie saoudienne en grand danger et consoliderait l’État israélien dont la fragilité n’a jamais été aussi visible que depuis la guerre perdue contre le Hezbollah en 2006, guerre où la Syrie l’a soutenu de tout son poids aux côtés de l’Iran.

5-2- L’évolution démographique

Ce paragraphe je le considère nécessaire est important pour comprendre la suite de ce chapitre et le rôle kurde dans les guerres en Irak et en Syrie.
En 1990, soit juste avant la guerre première guerre du Golfe en 1991, la population kurde se répartissait comme suit :
20 millions en Turquie soit 25% de la population
6 millions en Iran soit 9% de la population
3,5 millions en Irak soit 10% de la population
1 million en Syrie soit 5% de la population

En 2014, soit trois ans après le début de la guerre en Syrie et un an après la proclamation du Califat de DAESH en Irak et en Syrie, la population se répartit comme suit :
14 millions en Turquie soit 18% de la population
7 millions en Iran soit 9% de la population
7,5 millions en Irak soit 19% de la population
2,5 millions en Syrie soit 12% de la population

Seule l’évolution démographique en Iran est normale si l’on tient compte de la moyenne de la mortalité et de la natalité, par contre on remarque une baisse conséquente de la population kurde en Turquie et une augmentation anormale en Syrie et en Irak où le nombre des kurdes a plus que doublé en une quinzaine d’années.