Jusqu'à il y a environ deux ans les discours de Nasrallah étaient rares et naturellement très attendus. Attendus pas uniquement pour leur rareté mais aussi pour leur contenu tellement ce grand homme est exceptionnel par sa clairvoyance, sa détermination sans faille, son honnêteté hors pair et sa puissance, au propre comme au figuré, acquise à force de biceps et aussi et surtout d'intelligence !
C'était tout cela ce grand résistant au sionisme et à l'américanisme hégémonique, sûrement le plus grand de l'Histoire du Levant ! C'était tout cela qui a forgé ses grandes victoires, les seuls victoires des arabes sur l'entité du mal qui occupe la Palestine, libération du Sud-Liban premier et unique territoire à ce jour libéré après occupation israélienne (22 ans d'occupation) et la non moins grandiose victoire de 2006 qui a fait trembler l'État usurpateur de la Palestine jusqu'à remettre en cause son existence.
Ces exploits lui ont valu l'adhésion d'une grande partie des arabes, chiites, sunnites, catholiques, orthodoxes etc... fait unique dans l'Histoire du Monde Arabe, une popularité que seul Nasser avait connue avant lui !
Depuis deux ans, les discours de notre véritable chef national sont devenus de plus en plus fréquents jusqu'à arriver cette année à un rythme quasiment effréné, plusieurs discours par mois parfois même plusieurs discours par semaine !
Le Nasrallah exclusivement résistant est différent du Nasrallah devenu homme politique, principal homme politique au Liban ! Une évolution qui s'est progressivement dessinée au fil des ans depuis 2006 !
Parallèlement le Hezbollah, dont il est le secrétaire général n'est plus tout à fait le même ! Ce glorieux parti libérateur du Liban remettant en cause la prétendue invincibilité israélienne jusqu'à inverser le rapport de force, n'est pas le même avec députés et ministres que lorsqu'il n'en avait pas ! La résistance étant un combat de tous les instants alors que la politique n'est qu'un compétition dont la récompense est le pouvoir !
Le jeu politique aurait été utile si, d'un coté, l'État libanais était un vrai État digne de ce nom, et d'un autre côté, si l'entité sioniste n'existerait plus, or le Liban n'est qu'un rejeton des accords de Sykes et Picot avec les maronites comme citoyens privilégiés par rapport aux autres communautés (le président de la république et le chef de l'armée sont réservés aux maronites), État confessionnel par excellence amputé à la Grande Syrie dont l'invention artificielle est de préparer l'établissement non moins artificiel d'un État juif en Palestine; ce Liban donc n'est pas un vrai État et Israël existe toujours et qui continue à massacrer les palestiniens au quotidien et sans remettre en cause son projet d'expansionnisme territorial au Levant même si, pour le moment, le Hezbollah l'en empêche.
Le discours d'hier de Nasrallah, le troisième en moins de deux semaines, ponctuait une longue série de discours depuis le début de l'année, où le contenu a perdu de sa consistance et où son malaise politique dans lequel se trouve est nettement visible, j'y reviendrai dans le détail plus loin.
Son tranchant habituel n'y est plus, le Nasrallah à la parole d'acier est devenu un Nasrallah obligé de se justifier en usant de tricotage verbal d'où ressort une certaine impuissance politique qui met en lumière sa marge de manœuvre clairement réduite par le jeu politique où il se trouve coincé comme dans un entonnoir !
Cependant, ce malaise est paradoxalement bon signe pour l'avenir car, si on lit entre les lignes, on comprend qu'il éprouve quelques regrets et qu'il est conscient de son erreur, l'erreur de consacrer son énergie à la scène politique libanaise véritable marécage boueux aux écumes "vipéreuses", l'erreur de faire confiance à des alliés locaux dont l'unique ambition est le pouvoir ou l'argent ou les deux à la fois ! Cela va sans dire que cette arène malsaine n'est pas digne du rang d'un homme exceptionnel comme l'est notre guide national !
Son enlisement dans le sable mouvant de la politique libanaise est visible à l'œil nu ! Si le Nasrallah résistant est à sa juste place dans le Panthéon levantin, le Nasrallah politique s'est surestimé et cela est normal car l'arène politique libanaise n'est pas digne de sa droiture et de son dévouement sans faille à nos causes sacrées avec à leur tête la libération de la Palestine comme il l'a toujours affirmé lui même !
UN DISCOURS MÉNAGEANT LE CHOUX ET LA CHÉVRE
Je ne crois pas que Nasrallah, le Sayyed et l'homme de Dieu, soit amateur d'idolâtrie comme le montrent sans retenue quelques uns parmi son fidèle public ! Je ne crois non plus que Nasrallah, le Sayyed et l'homme de Dieu, se croit infaillible ou exempt de toute erreur, je ne crois que Nasrallah, le Sayyed et l'homme de Dieu, soit un entêté dépourvu de réflexion et de sagesse, je ne crois que Nasrallah, le Sayyed et l'homme de Dieu, soit submergé par l'orgueil et la vantardise. Ce que je crois par contre, est que notre Sayyed, le Sayyed de tous les justes libanais et arabes quelque soit leur confession, est pris en tenaille, non pas par un tel ou tel charlatan ou escroc de la scène politique libanaise, mais par la souffrance de son peuple et aussi et en même temps par l'aspiration de ce même peuple à vaincre Israël une bonne fois pour toute ! Hier, d'ailleurs cela est visible depuis plusieurs mois, il n'a été que le reflet de cet ambivalence de son fidèle public et de ses vaillants combattants, ces braves qui ont offert tant de sacrifices à la Juste Cause sont pris en tenaille entre l'enclume du combat libérateur et le marteau de la crise économique artificielle, œuvre du sionisme mondial ! Se battre coûte que coûte quitte à voir ses enfants mourir de faim ou bien céder à la pression économique orchestrée par le FMI et l'OTAN quitte à reporter le combat au risque de se ramollir et par conséquent accorder à l'ennemi le temps de se refaire une santé alors qu'aujourd'hui il est plus craintif que jamais !
Le dilemme est de taille, Nasrallah l'a compris, comme pour sa base populaire il y a comme une dichotomie qui s'installe et d'où ressort des discours boiteux où la contradiction brille et où l'hésitation manifeste prend de plus en plus de place !
Ne pas le reconnaître risque de devenir un "pêcher" mortel ! Toutefois, cela révèle une chose: Nasrallah, aussi Grand qu'il est, n'est qu'un homme et non pas un demi-Dieu comme certains veulent nous le faire croire, pour ma part cette faiblesse , que j'espère passagère, naturellement humaine est plutôt rassurante !
LES POINTS CLÉS DU DISCOURS D'HIER SOIR
"Ceux qui critiquent le tracé de la frontière maritime avec Israël car il passe par la ligne 23 et non pas 29 je leur demande de se préparer pour libérer cette zone au lieu d'évoquer une traîtrise" !
Cette phrase est une mine de renseignements et de surcroît confirme son malaise, un malaise qui sonne comme un aveu et cela est en soi positif. Une phrase qui résumerait à elle seule ce présent article et aussi la totalité de l'accord sur le tracé en question ! Malheureusement la forme est maladroite, une maladresse qui est le produit de deux paramètres, le premier, la satisfaction exagérée et mal placée de ses deux alliés politiques que sont Aoun (dont le discours quelques heures plutôt était d'une insignifiance affligeante et dont il serait incongrue de lui consacrer plus de commentaires) et Berri, le second paramètre, la pressions populaire de son propre public aussi bien des défenseurs de l'accord que de ceux qui le critiquent!
Je dis que cette phrase est un aveu car il reconnaît clairement que le Liban a été lésé par ce tracé puisqu'il n'a pas pu récupérer la zone entre les lignes 23 er 29 qui lui revient de droit et même qu'il appelle à sa libération , je salue cet aveu ! Mais ce qui est regrettable est qu'il rejette aussitôt la faute au gouvernement de 2011 qui avait officialisé le tracé au niveau de la ligne 23 ! Mais je croyais que cet accord était une grande victoire qui a soumis l'entité sioniste à nos désirs et on découvre, en tout cas certains à la cervelle surexcitée, que le plus grand champ gazier du "litige" est volé par Israël via un tracé que pourtant ils plébiscitent !
C'est bel et bien une défaite politique (voir le lien de mes précédents articles sur le sujet en bas de la page) et même une défaite cuisante, non seulement on avait besoin de la permission d'Israël pour exploiter nos propres gisements mais en plus une partie de nos gisements ont été arrachés par Israël via le dit accord ! (Je n'évoquerais pas dans le cadre de cet article le scandale Total auquel j'avais consacré un article entier, lien en bas de page)
Autre élément important dans cette phrase: la Traîtrise. De toute évidence l'accusation gratuite de la part des autres surexcités anti-accord l'a touché au cœur ! Nasrallah n'est sûrement pas un traître et il ne le sera jamais, mais encore une fois la forme du rejet de cette accusation était maladroite, "allez donc libérer la zone entre les lignes 23-29 mais ne parler pas de traîtrise"! Une réponse émotionnelle qui ne lui ressemble pas ! Moi-même il m'arrive de réagir avec émotion ou colère mais pas Nasralalh ! Non Sayyed, vous n'êtes pas un traître, vous êtes notre seul guide, cependant on ira pas libérer la zone en question sans toi comme étant encore toujours notre unique chef, pour y arriver il faut quitter le pupitre politique du déshonneur et retrouver la barricade de l'honneur ! On demande moins de discours et plus de missiles tirés exactement comme avant quand nos martyrs nous quittaient auréolés de fierté face à un ennemi qui ne souhaite aucune paix sinon à son stricte avantage !
Je vais évoquer brièvement un autre point, le dernier : "cet accord est modifiable" ! Alors pourquoi l'avoir avalisé et pourquoi parler de victoire alors que tout indique que c'est une défaite ?!
Reste un point à élucider: pourquoi avoir été longtemps contre Le principe des négociations préconisant une exploitation de nos champs gaziers par la force pour finir par les accepter et même accepter un accord en notre défaveur ou Israël est l'unique gagnant ? Si, comme je l'avais lu en boucle ce qui n'est que propagande sioniste aveuglante, qu'Israël aurait signé cet accord en sa "défaveur", soi-disant par peur de notre force de frappe pourquoi donc nous n'avons pas usé de cette force et de sa peur pour exploiter nos richesses sans officialiser un tracé de frontière en notre défaveur ?!
Cher Guide, je ne me permettrais pas de répondre à votre place en attendant votre propre explication que j'espère prochaine, dès lors ceux qui vous accusent de traîtrise se tairont à jamais et pour ainsi dire "la rivière retrouvera son lit naturel" comme le dit ce dicton de notre vénérable Sud nourri, ainsi que ses rivières, par le sang de nos enfants martyrs de la dignité !
Pour finir, ce que je souhaite maintenant, comme beaucoup de mes compatriotes, est de voir Nasrallah stopper son enlisement politique et de redevenir la forteresse dont nous avons tous besoin face à un ennemi aussi féroce que vicieux qui n'attend que d'apercevoir la moindre faille pour nous attaquer, cette posture belliqueuse est son éternel projet c'est même dans ses gènes sinon il n'existerait plus depuis longtemps ! À défaut, j'ai bien peur qu'à terme cet enlisement ne devienne une perpétuelle fuite en avant à l'avantage décisif pour l'entité sioniste et que cet accord ne soit en réalité le début d'une longue série de déconvenues irréversibles !
Cela dit il y a un nouveau phénomène qui m'interpelle : l'État libanais, la résistance du moins une bonne partie, israéliens, OTAN sont tous d'accord pour applaudir l'accord israélo-libanais ! Cette unanimité est une première historique dont les raisons ne m'échappent pas: les israéliens qui reconnaissent volontiers une "défaite" sont en réalité gagnant et le Liban qui crie "victoire" est en réalité perdant, n'allez pas chercher plus loin que dans les méandres de la politique !
"Est perdu celui qui n'agit pas à sa juste valeur" disait la voix de l'éloquence Ali Ben Abi Taleb.
Annexe :
-Liens de mes deux articles précédents sur l'accord entre le Liban et Israël
"La première défaite du Hezbollah"
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"Totalissimo"
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