Al-Mutanabbi et son époque au Levant

Soumis par Hayan Sidaoui le mar 12/09/2017 - 13:15

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Je dois dire que je ne savais pas par quel bout prendre cette rubrique, tellement le monde arabe de l'époque était sujet à variations et événements de tout genre ! Je vais commencer par Al-Mutanabbi, un poète arabe du 10ème siècle (915-965) né à Koufa près de la Babylone antique tout comme Al-Kindi (9ème siècle) et Ali le beau-fils du prophète (7ème siècle). Ali est le premier imam et 4ème calife, il est le philosophe de l'Islam, assassiné par ses partisans en 661 car trop pacifique !

 

Cet événement est à l'origine du mouvement politique le chiisme, car contrairement aux idées reçues, celui-ci est un courant politique qui se proclame de la sunna et non pas une religion à part. Al-Mutanabbi est pour la poésie arabe, ce que Baudelaire est pour la poésie française, le dernier des classiques et le premier des modernes. La poésie classique est celle des sa'alik pré islamiques - voir ma rubrique du 29 février 2016 que je republierai ici - et le premier des modernes. Il se distinguait par sa rapidité, composait des poèmes sur le vif, sans préparation et il a écrit son premier poème à l'âge de 10 ans.

 

Tous les spécialistes s'accordent à dire qu'il était le plus doué dans le maniement du langage. Il a beaucoup apporté à la langue arabe sur le plan linguistique. Son style très particulier était marqué aussi bien par les louanges des rois et princes, que par la satire cinglante. Il nous laisse 326 poèmes d'une virtuosité exceptionnelle, racontant sa vie tumultueuse et bien chahutée auprès des grands de son époque et décrivant comme personne le 10ème siècle arabe, sous le règne de la dynastie abbasside.

 

Il fut assassiné pour un poème banal se moquant d'une mauvaise femme. Le frère de cette dernière le lui a fait payer de sa vie. Il vécut plusieurs exils, au Liban où il fut gouverneur de Sidon, en Iran et en Syrie. Il a connu la prison dès ses 17 ans  se prenant alors pour un prophète, il fut à l'origine de la révolution qarmate, dont l’Histoire ressemble fort à celle des cathares persecutés à cause des réformes qu’ils souhaitaient apportées à leurs religions respectives sclérosées et déformées, révolution partie de Lattaquié en Syrie et qui a fini dans un bain de sang. 

 

Avant d'arriver à ses magnifiques poèmes, impossible de passer sur les qarmates sans en dire deux mots.

 

Ils furent massacrés jusqu'au dernier car ils voulaient réformer l'Islam, notamment en ramenant le nombre des prières de 5 à 2 et en rendant le jeûne plus personnalisé, en fonction de chacun. Ce qui est étonnant et qu'en plus de les avoir exterminés, on a aussi brûlé leurs textes et les historiens, toutes époques confondues, les ont simplement ignorés. En tout et pour tout, on ne trouve à leur sujet qu'un petit texte calligraphié, qui se trouve dans la plus grande bibliothèque de manuscrits arabes dans le monde, à l'Escurial à 60 km de Madrid.


Le souci avec la poésie est que la traduire d'une langue à une autre est une entreprise difficile et délicate. De toutes les traductions que j'ai remarquées sur le net, pas une seule n'est satisfaisante dans la mesure où je n'ai trouvé que des traductions littérales, qui outre l'oubli de l'esprit poétique, donnent aux poèmes des contre sens flagrants !


Je me suis donc aventuré à traduire un petit extrait du poème le plus connu d'Al-Mutanabbi :

...
Les étalons, la nuit et le désert me connaissent
L'épée, le javelot, le papier et la plume me sont familiers
Dans les étendues arides j'ai accompagné les monstres, esseulé
Jusqu'à en surprendre le vice et la ruse, j'en confesse
...
À ceux dont la séparation est ma souffrance
Après vous le monde n'est que vide et néant
Si votre secret est ce que racontent les envieux et les médisants
Je vous dédie mes blessures si telle est votre délivrance
...

Je mets le texte original pour ceux qui connaissent l'arabe et aimeraient me corriger ou faire des suggestions, le poème dans sa totalité est composé de 38 vers doubles, propre aux poèmes arabes, que j'ai traduit en forme classique plus connue en Occident. J'ai traduit les vers les plus connus que presque chaque arabe connaît,  n° 23 à 25 et 27.

 

الخيل و أليل و البيداء تعرفني والسيف و الرمح و القرطاس والقلم
صحبت في الفلوات الوحش منفردا حتى تعجب مني القور والاكم
يا من يعز علينا ان نفارقهم وجداننا كل شيء بعدكم عدم
...

ان كان سركم ما قال حاسدنا فما لجرح إن أرضاكم ألم

 

 

Publié sur mon FB le 27 septembre 2016

 

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